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Pour le moment, j'ai déjà eu l'opportunité de découvrir deux continents en dehors de l'Europe. Jusqu'à l'année dernière, j'ai sillonné l'Asie Centrale, marqué par de merveilleuses et touchantes rencontres ainsi que par des paysages sans autre borne que celles de l'imagination. Puis, j'ai réalisé en mars dernier un second rêve en me rendant en Patagonie, premiers pas qui en appelaient d'autres sur la terre sud-américaine. La compréhension de la langue m'a conduit à une autre approche de ces voyages en me permettant d'être beaucoup plus acteur qu'auparavant et d'abattre des barrières supplémentaires, invisibles, mais qui m'empêchaient d'en profiter aussi pleinement. Aujourd'hui, je serais bien incapable de choisir l'un ou l'autre tant ce qu'ils m'ont apporté est différent.
Pour ce mois de septembre, je cherchais un pays d'Amérique Latine à multiples facettes et avec une météo pas trop capricieuse. L'Equateur a totalement répondu à mes attentes : côte Pacifique, hauts sommets des Andes ou Amazonie, les écosystèmes traversés sont innombrables à l'image d'une vie animale et végétale foisonnante. Les lieux culturels ont également reflété cette diversité : des ruines incas aux cathédrales parées d'or en passant par une architecture fusionnant les arts indigènes, espagnols et musulmans (mudéjar). Et pour renforcer le tout, une large palette d'activités sportives est venue agrémenter le séjour pour mon plus grand bonheur, l'effort physique devant faire partie intégrante de mes vacances.
Récit d'un séjour au coeur de cette méga-diversité avec un hommage à chaque membre de cette belle aventure de 20 jours :
~ au Belge pour avoir réussi avec brio les tests de résistance en milieux hostiles et anxiogènes, entouré d'une horde de 9 français.
~ au Couple présidentiel pour nous avoir mis un paquet de raclées aux cartes et plus encore pour en avoir pris quelques-unes ... et pour l'interprétation magistrale de My heart will go on. Comme quoi on peut faire pire que Céline Dion !
~ à Number One pour m'avoir apporté la joie d'aller respirer dehors tard le soir et tôt le matin, pour ta contribution à ma future thèse sur les champignons et pour m'avoir enseigné l'art de la table en haute société.
~ au Serial Photographer pour nous avoir permis de repérer les colibris à chaque fois que tu étais planté le regard dans le vide face à un arbre (ou dans l'objectif, ton troisième oeil). En même temps, il semblerait que j'en ai raté quelques-uns.
~ à notre unique Diplômée de la Mitad del Mundo pour m'avoir ridiculisé en parvenant à faire tenir un oeuf sur un clou. Je teste toujours quand j'ai du temps libre ...
~ à notre Equilibriste pour avoir démontré que les plus belles chutes d'Equateur ne sont pas des cascades naturelles mais ton défi aux lois de la gravité et de l'inertie.
~ à la Petite Sirène qui a égaré son Polochon pour tous ces pas partagés, pour être si drôle après avoir goûté la canne à sucre et pour avoir attiré tous les moustiques de Baños. Dommage que tu aies perdu en efficacité en Amazonie.
~ à J-C, notre guide, pour avoir partagé tes connaissances encyclopédiques sur tous les thèmes et sur le reste mais aussi pour m'avoir appris des mots de français et m'avoir fait découvrir des auteurs français.
~ à J., notre chauffeur, un homme résolument en avance sur son temps puisque tu bats toujours le record de ta précédente ascension sans jamais traîner en chemin.
~ aux vaches du Quilotoa pour ne pas nous avoir ridiculisés sur une montée sèche et ainsi nous permettre de rentrer en France la tête haute.
~ et enfin, à l'iguane parachutiste, pour avoir illuminé ce voyage.
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Vendredi 2 septembre
Le départ est prévu tôt ce matin, la récupération des billets électroniques encore plus et l'heure de départ de la maison frôle l'indécence ! Mais comme nous partons en voyage ça devrait aller, même au radar.
A l'aéroport, je retrouve déjà plusieurs voyageurs en partance pour l'Equateur : nous sommes 2 groupes à partir avec la même agence et une femme seule au milieu de nous qui cherche désespérément des personnes du sien. Sa détresse durera une partie du voyage mais 3 jours plus tard, quand nous la reverrons, elle sera manifestement parvenue à ses fins. Quant à nos deux groupes, pour les uns ça va être "la totale" incluant la découverte des Galapagos tandis que nous allons également aller aux Galapagos ... mais du pauvre : l'Ile de la Plata. Et bien sûr notre circuit va être nettement mieux en toute objectivité. Par contre, si par hasard il reste une place ...
Avec cette agence, je bénéficie toujours de plans de vol alambiqués comme passer par la Corée du Sud pour aller en Mongolie. J'ai beau aimer le voyage, cette redéfinition de la géographie me conduirait facilement à découvrir et pratiquer le saut en parachute. Mais cette fois-ci, j'ai carrément eu la possibilité de pulvériser ma durée de voyage record avec 2 escales et 26h porte-à-porte. C'est bizarre, l'Equateur sur la carte, ça ne semblait pas si loin ? L'explication tient à une escale de 5h à Madrid et à un vol indirect pour Quito passant par Guayaquil. C'est ce que traduit le sigle "GYE" en bas des documents de vol très explicites. Il ne me reste plus qu'à prendre des cours de sauts auprès de Notre iguane volant.
En outre, l'arrivée à destination étant prévue en fin de soirée, il vaut mieux ne pas trop dormir pendant le voyage. L'avantage c'est qu'avec tout ce temps devant soi, on peut largement faire connaissance avec les autres : j'en profite donc pour sympathiser avec 2 personnes qui vont aux "vraies" Galapagos, démarches à Madrid ou placement dans l'avion aidant.
On comprendra aisément qu'entre le lever tôt et la longueur du voyage, nous soyons déjà légèrement "entamés" et que le fraîcheuromètre soit déjà à 50%. Et si on faisait une photo de groupe en descendant ? Bon d'accord on attend un peu !
Arrivés à Quito aux alentours de 23h ou minuit (je ne m'en souviens plus), la douane est l'occasion de la découverte d'un premier jeu équatorien : nous sommes invités à constituer une géante farandole. Etant tous joueurs, notre serpent contient à minima une bonne centaine de personnes. C'est bon on entre au Guinness Book ? Comment ça c'est la file pour la douane ? Mais on est presque au bout de la queue ! Une heure trente plus tard alors que nous commencions à conjecturer la fermeture des guérites à l'approche d'une nouvelle heure, nous passons enfin devant des fonctionnaires presque aussi frais que nous mais souriants et avenants. Ca change d'il y a 12 mois !
Après avoir laissé l'autre groupe aux mains d'un guide quasi en pièces détachées, nous partons en minibus vers le centre de Quito à 45 minutes de là, l'occasion de constater que les rues sont encore bondées à 2h du mat' et de découvrir des chivas : des discothèques sur des bus totalement ouverts.
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Samedi 3 septembre
Après quelques heures de repos, la première journée s'annonce dense avec la visite culturelle de Quito le matin et le franchissement de la Ligne l'après-midi. Il y a quelques mois, j'étais à El Fin del Mundo et je m'apprête à présent à rejoindre la Mitad del Mundo, un parcours qui semble plutôt en sens inverse présenté comme ça ... Partons maintenant pour la première partie culturelle !
Quito est la capitale de l'Equateur et sa physionomie s'est adaptée aux accidents du terrain. Encadrée par deux chaînes de montagnes parallèles, elle n'a eu d'autre choix que de s'étirer en longueur selon un axe nord-sud. L'agglomération de Quito abrite aujourd'hui 2,5 millions d'habitants et s'étale sur 51 km. En son coeur, le centre historique que nous allons visiter ce matin. Au nord, la ville moderne, foyer des classes moyennes et aisées, lieu de passage des touristes partant voir du pays. Le sud concentre les banlieues des classes populaires et serait moins fréquentable. Mythe ou réalité ?
Nos premiers pas foulent l'avenue Venezuela avec en toile de fond la Basilique du Voeux National. Il s'agit d'une construction gothique dont le nom fait référence au rattachement via un concordat au Vatican et au coeur de Jésus. Son originalité réside dans la substitution d'iguanes et de tortues aux traditionnelles gargouilles.
En parcourant cette artère, nous parvenons rapidement à la Plaza Grande, siège du pouvoir exécutif et religieux au cours de l'histoire. Elle est en effet bordée aux quatre coins d'édifices assurant ces fonctions. Au centre de la place arborée se dresse un monument célébrant le premier cri à l'Indépendance en Amérique Latine de 1809. Profitant de la prise de l'Espagne par Napoléon, les équatoriens en ont profité pour prendre de la distance avec le vieux continent. Au pied de la colonne se trouvent un lion et les armes espagnoles, plus haut, un condor andin et, au sommet, une statue à l'indépendance.
(cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Nous enchainons avec la partie ouest de la place : celle où se trouve le Palais Présidentiel. A ma grande surprise, nous pouvons passer sous les arcades et entrer dans la première cour intérieure. La porte du Palais est gardée par deux soldats imperturbables aux uniformes du XIXème. Ils portent les costumes des grenadiers d'une ancienne guerre entre la Grande Colombie (Colombie, Equateur et Venezuela) et le Pérou.
C'est dans ce bâtiment que travaille Rafaël Correa le Président Equatorien mais il n'y vit pas car il a décidé de demeurer dans sa propre maison suite à son élection. Correa est un Président dans la lignée des Chavez au Venezuela et Morales en Bolivie du moins dans son opposition envers les Etats-Unis par exemple sur la question de la dette extérieure. Il jouit d'un important soutien populaire notamment auprès des indigènes tandis que ses détracteurs mettent en avant son goût du pouvoir ou son dédain pour les couches les plus favorisées. Il est marié à une Belge qui enseigne toujours dans une école, leur philosophie ayant été de ne pas changer de vie malgré l'importance du poste occupé. Son programme prône la "Révolution Citoyenne" c'est-à-dire une voie de rupture comme nous le verrons de temps à autre au fil du blog. Dans le même bâtiment se trouve la Vice-Présidence, assurée par une personne handicapée. Des mesures en faveur de cette population ont ainsi été prises depuis l'arrivée au pouvoir de ce duo comme la mise en place de quotas dans les entreprises.
Le franchissement du seuil du bâtiment amène dans une petite cour fermée par une grille. Au fond, on aperçoit un mur coloré, couvert d'une fresque symbolisant les 200 soldats espagnols et 4000 indiens de l'expédition d'Orellana et de Gonzalo Pizarro en Amazonie à la recherche de la précieuse cannelle. L'expédition sera un semi-échec mais nous en découvrirons le dénouement ultérieurement.
En arrière-plan de cet édifice du pouvoir se dresse un volcan actif : le Pichincha. Sa dernière éruption remonte à 1999 : à 3h du matin, un nuage de cendres s'est élevé dans le ciel avant de s'éloigner de la ville. Seul l'aéroport fut contraint de fermer. Ce sommet fut également le théâtre de la prise de la capitale aux fidèles de la Royauté par le maréchal Sucre, officier du renommé Simon Bolivar. Cette bataille est à l'origine de l'Indépendance de Quito.
Au nord, la façade la plus ouvragée est celle de l'ancien hôtel le plus chic, le Majestic. Il est jouxté par le Palais de l'Archevêché aujourd'hui lieu profane où se retranchent des restaurants et autres commerces.
Enfin, la Cathédrale se dresse au sud. Edifiée en 1534, c'est l'un des bâtiments les plus anciens de la cité et qui s'est agrandi au fil du temps. Les conquistadors espagnols ont été accompagnés de différents ordres religieux pour évangéliser les populations en tête desquels dominicains et franciscains. Afin d'occuper les indiens et plus encore de les convertir, ils ont fondé des écoles d'art et d'artisanat. Mais leurs élèves se sont avérés particulièrement doués et une grande école artistique a vu le jour : l'Ecole de Quito, une des trois plus réputées du continent avec Cuzco et une autre au Mexique. L'art indigène, présent dans les églises et la Cathédrale de la capitale, est un exemple du syncrétisme qui a prévalu pour imposer la foi chrétienne aux habitants du nouveau monde. Je pourrais décrire longuement ce premier édifice religieux richement décoré mais je préfère mettre l'accent sur quelques éléments originaux qui témoignent de ce syncrétisme. Il y a, en premier lieu, une fresque sur un plafond de la nef centrale présentant la Cène, le dernier repas de Jésus. Sur la table, sont représentés des cuys (des cochons d'Inde). Sur des tableaux ou sculptures, le Christ est également figuré encore en vie après la descente de la Croix ce qui n'est pas le cas de ce côté-ci de l'Atlantique. Cette concession fut faite aux indiens qui ne comprenaient pas pourquoi Jésus devait toujours être représenté crucifié. On trouve enfin une représentation de la Vierge Ailée, celle-là même qui domine également la ville, en référence à un passage de l'Apocalypse évoquant une femme enceinte ailée et un dragon malintentionné. A ces exemples s'ajoutent la fusion des styles indiens, espagnols et même mudéjars dans la décoration et l'usage de techniques spécifiques comme les plafonds en bois chevillé (sans colle, ni clou) ou le réalisme des sculptures (usage d'yeux en verre, de cheveux ...).
La cathédrale abrite enfin la tombe de Sucre dont j'ai évoqué le nom un peu plus tôt et une bibliothèque ancienne avec les livres originaux d'Alexander Von Humboldt, explorateur allemand de la contrée au XIXème.
Une petite marche permet de souffler un peu entre deux tasses de culture. La rue est bordée de temps à autre de maisons aux façades richement décorées et colorées.
Après quelques minutes d'intermède, nous débouchons sur la Compañia de Jesus, une église jésuite construite en "seulement" 160 ans, entre 1605 et 1765. Elle est généralement considérée comme le plus beau trésor baroque d'Amérique. Sa façade en pierre du volcan Pichincha est bien moins ouvragée et ostentatoire que son intérieur. La feuille d'or y règne en maître et il n'y a presque pas un pouce de surface qui ne soit travaillé. Une fois de plus, ne pouvant montrer de photos de l'intérieur (c'est interdit), je me contenterai de le décrire de façon imparfaite à l'aide de trois évocations. Pour en revenir aux sculptures de l'Ecole de Quito, les visages sont éclatants du fait d'une technique unique de vernissage : le passage d'un foie de veau pendant des mois sur la tête, les mains et les pieds. Les ouvriers effectuant ce travail étaient les encarnadors. L'autel présente dans des niches les fondateurs des 4 principaux ordres religieux : dominicains, franciscains, la Piété et jésuites. Enfin, l'église se caractérise par une symétrie presque parfaite rompue en deux points : la proportion non respectée pour les pieds des 4 évangélistes soutenant la coupole et l'entrée où un escalier en colimaçon ne trouve pour pendant de l'autre côté qu'un trompe l'oeil relativement bien réalisé.
Dernier élément culturel de cette matinée qui somme toute passe bien vite : la place puis le monastère de Saint François. La première était autrefois un grand marché et le lieu où furent plantés les premiers épis de blé en provenance d'Europe. Quant au second, il comprend une église toujours aussi riche et un joli cloître abritant nos seuls perroquets du séjour.
Pourquoi tant de visites de lieux de culte ? Simplement parce que 90% de la population se déclare catholique même si la foi se perd un peu chez les jeunes. Alors forcément les principaux trésors de cette ville inscrite à l'UNESCO sont religieux. Un dernier monument reste d'ailleurs à présenter au début de l'après-midi. Autres chiffres témoignant de la vigueur religieuse : 3 messes sont données chaque matin dans les églises et le maximum est de 7 messes successives le dimanche matin dans une église de Cuenca !
En attendant de découvrir notre repas de mets traditionnels, nous disposons d'un peu de temps libre. L'occasion pour moi de partir à la découverte des véritables habitants de la capitale. Si vous étiez aussi peu cultivés que moi ou totalement naïfs vous pourriez croire qu'il s'agit d'Equatoriens. Mais que nenni ! Voici un scoop authentique : Quito est peuplée d'une horde de Pitufos ! Laissez-moi vous les décrire : bonnet phrygien vissé sur la tête et sur-chaussures blanches et rondes. Les plus chics ont même la peau bleue. Les plus physionomistes auront reconnu ce qu'en français on appelle des "schtroumpfs". Sortie cinéma oblige, ils ont vraiment envahi les rues et l'accoutrement se vend comme des petits pains. C'est fou d'avoir fait autant de kilomètres pour voir des gens en costumes traditionnels ! Mais l'image est totalement irréelle dans le même temps.
A peine remis de ma découverte révolutionnaire, je rejoins la table pour goûter notamment le mote, un maïs blanc et cuit sans le moindre goût, puis un fromage spécial associé à des figues. Il ne vaut pas LE fromage du Platane d'il y a 12 mois mais il est plutôt à oublier également. Si ça continue à ce rythme, je vais me lancer dans l'altermondialisme et trimbaler avec moi en voyage soit du camembert soit du roquefort.
Avant de partir vers la ligne équatoriale, "Juan" décide de nous faire découvrir la colline du Panecillo. Surplombant la ville et bien visible de la place St François où nous sommes, elle est surmontée d'une Vierge Ailée (la même que ce matin dans la Cathédrale) terrassant un dragon au-dessus du globe terrestre. Le peu de trajet à couvrir nous permet de prendre la mesure du trafic engorgé.
Outre une vue bien dégagée à 360° montrant l'étendue impressionnante de la cité, c'est le lieu de rassemblement privilégié d'une grosse poignée de lucanistes qui, en guise d'évasion, contemplent leurs cerfs-volants esquisser quelques figures dans un ciel de traine.
Nous mettons ensuite les voiles vers le nord pour rejoindre la ligne de l'Equateur. Sur place, nous visitons le musée Inti Ñan qui propose cette activité mais également de découvrir nos premières cultures indigènes via des coutumes et objets traditionnels. Je vous propose de vous décrire la visite en enchaînant des parties culturelles et d'autres plus ludiques avec des "jeux" et une recette de cuisine spéciale à ne surtout pas mettre entre toutes les mains !
L'avantage de venir ici dès le début, c'est que l'on voit des choses sympas qui mettent en condition pour la suite, notamment l'Amazonie. Nous découvrons pour commencer une reconstitution de l'habitat traditionnel des indigènes montagnards d'une part et de l'Amazonie ensuite. Nous voyons ainsi nos premiers cuys ou une immense sarbacane qui doit mesurer dans les 3 mètres de long et quelques kilos. Impressionnant ! Nous passons également au cours de cette visite devant une construction funéraire quitu-cara. Sa forme arrondie symbolise la Pachamama (=Terre mère) en gestation. Le défunt est enterré dans une jarre en position foetale avec ses affaires et des coquillages, symboles de fertilité.
Mais le clou de la première partie de la visite, c'est une vitrine publicitaire pour le pays. Nous découvrons d'abord une peau d'anaconda plus longue que mon salon. Belle bête, il ne faudra pas manquer de féliciter la maman ! Ensuite, nous voyons avec réticence un bébé mygale de la taille de ma main (ouverte) ou encore un candiru, ce sympathique poisson qui peut remonter votre urine pour venir se loger dans une partie sensible et y déployer ses épines. Le seul remède à son affection débordante pour vous est la chirurgie et en attendant une bonne dose de douleur. J'adore déjà l'Amazonie ! Sûr qu'il ne reste pas une place pour les Galapagos ou pour aller à la piscine en fin de séjour ou même pour nettoyer la chambre d'hôtel ?
La Maïté locale nous délivre ensuite son cours de "cuisine" directement inspiré des traditions Shuars. Cette leçon nous apprend comment ce peuple indigène s'y prenait pour réduire les têtes de leurs ennemis ou tzantzas. Laissez-moi vous présenter ce savoir-faire plusieurs fois centenaires. Commencez par couper une tête (enfin pas pour de vrai hein, on n'est pas des Dexter non plus) puis videz-la en ne laissant que la peau et les cheveux. Ensuite, il convient de coudre la bouche et le nez pour s'approprier l'âme du défunt et plus encore ses connaissances, bénéficier de chance dans les combats et satisfaire les ancêtres. A l'étape suivante, on introduit une pierre chaude pour faire fondre la graisse encore présente sur l'enveloppe charnelle. La réduction va se faire en exposant le tout au soleil et à la fumée de tabac. Voilà le résultat :
Une fois cette opération menée à son terme, vous ne pourrez plus prétendre au Prix Nobel de la Paix mais au moins vous n'aurez plus d'ennemis ... ni d'amis d'ailleurs.
La visite se termine par les "Olympiades". Si j'avais su, je me serais préparé davantage et vêtu pour l'occasion ! J'aperçois au loin une ligne au sol et il aurait été si facile de courir jusqu'à elle et de lever les bras en arrivant premier. Mais je ne suis pas en condition et grand bien m'en a pris car il s'agit de l'Equateur. J'aurais peut-être eu l'air bête mais on se serait bien marré. Pendant 6 mois, le soleil passe au nord et les 6 mois suivants au sud. Nous, nous avons mis moins de deux minutes ! A ce niveau, la force centrifuge exerce une poussée vers les Pôles tandis que la centripète est neutralisée.
Nous passons alors aux expériences. La première est l'écoulement des eaux : alors que son niveau baisse uniformément à l'Equateur, elle tourne dans le sens des aiguilles d'une montre à un mètre vers le sud et dans le sens contraire à un mètre vers le nord. On a beau s'y attendre, c'est surprenant sur une aussi faible distance de constater de tels phénomènes.
L'épreuve suivante permet de commencer à se ridiculiser en public : il faut marcher sur l'Equateur, les yeux fermés, les bras tendus sur le côté à la parallèle du sol et les pouces vers le haut. Pas question d'être lent, c'est de la triche. Si vous voulez tester l'effet en France, vous pouvez par exemple faire de même sur la rambarde centrale d'une autoroute. Allez-vous tomber sur la voie de droite ou de gauche ? C'est exactement la même question que l'on se pose sur notre ligne. Et la seule certitude c'est qu'on va droit à l'accident ! L'explication tiendrait à la force centrifuge qui nous attire de chaque côté. Une seule personne a réussi dans le groupe. Son secret ? Un centre de gravité un peu plus bas on va dire. Dans mon cas, je pense sincèrement qu'il y a eu des petites secousses sismiques car je ne vois pas pourquoi je n'ai pas réussi. Et si vous êtes policier et que vous voulez faire du chiffre, je vous conseille de faire marcher les gens sur la ligne de l'Equateur. Vous attraperez même les gens sobres.
La dernière épreuve avant d'enfiler une cagoule et de raser les murs, c'est de faire tenir un oeuf sur un clou. Théoriquement, le jaune descend et stabilise l'oeuf. En pratique, si on ne m'avait pas retiré de force de cet endroit j'y serais encore. Mais je ne comprends pas pourquoi les gens d'ici préfèrent utiliser les oeufs pour des casse-têtes (surtout celui du poussin à l'intérieur) plutôt que d'en faire de bonnes tortillas. Ca n'est quand même pas comparable ! J'ai tenté toutes les techniques : la douceur, la supplication, soudoyer des responsables ... Il n'y a guère qu'empaler l'oeuf sur le clou à quoi je n'ai pu me résoudre pensant au pauvre poussin à l'intérieur (je sais qu'il n'y en a pas, c'est juste pour taquiner la Petite Sirène). En fait, j'ai tendance à croire que mon clou n'était pas parfaitement lisse ou que la terre continuait de trembler car je n'ai pas encore la tremblote à mon âge quand même ! Une seule personne a eu l'outrecuidance de caler son oeuf et d'obtenir un magnifique diplôme le certifiant. Voici la preuve :
Allez avoue, tu as utilisé de la glue non ?
Après ces échecs répétés, je suis disqualifié des épreuves et peux rentrer à Quito. Le guide nous laisse libres de vaquer à nos occupations. Nous partons alors compléter notre découverte matinale de la ville et, chemin faisant, tombons sur la police touristique qui nous met en garde sur les risques encourus après 20h. Nous atteignons peu après la place Domingo où se dressent une église blanche de même nom et la statue du Maréchal Sucre pointant le doigt vers la cime qui l'a vu remporter son succès militaire. Mais l'attraction du moment, c'est un concours national de chant et de danse qui anime la place et les alentours.
Nous poursuivons enfin jusqu'à la Calle la Ronda, une ruelle historique du Vieux Quito.
La journée s'achève dans un restaurant situé dans l'ancien Palais de l'Archevêché, contraste improbable comme je l'ai signalé plus tôt. Demain nous attendent les premières montées ...
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Dimanche 4 septembre
Nous quittons de bonne heure la capitale pour débuter la visite du pays. Celui-ci peut être divisé en 4 aires principales : la plaine côtière, les Andes, l'Amazonie et les Galapagos. En 18 jours sur place, nous allons parcourir les trois premières.
~ La plaine côtière, à l'ouest, bénéficie de l'influence de deux courants océaniques : celui de Humboldt, venu d'Antarctique, s'accompagne de vents écartant les nuages et provoque donc des sécheresses tandis que celui d'El Niño apporte l'humidité qui rend des régions très verdoyantes à l'image de la forêt tropicale d'Esmeralda.
~ Les Andes sont marquées par une double division. Nord/sud d'abord pour ce qui est relatif au volcanisme. Le nord est une zone de volcanisme actif (Cotopaxi, Pichincha ...) et sa terre se compose de cendres fertiles en majorité. En revanche, le sud est éteint, moins haut et sa terre est argileuse. La seconde opposition est est/ouest avec la présence de deux cordillères parallèles d'où le nom fréquemment usité d'Allée des Volcans.
~ L'Amazonie est une zone de forêt tropicale humide à la diversité étonnante.
~ Les Galapagos sont un laboratoire de l'évolution où le jeune naturaliste Charles Darwin, embarqué à bord du Beagle, a étudié les pinsons avant d'échafauder sa Théorie de l'Evolution.
Selon la zone géographique où l'on se trouve, les produits locaux n'ont pas les mêmes débouchés : la production andine est destinée au marché intérieur à l'exception des roses, celle de la côte (fruits, légumes) est tournée vers l'exportation et le pétrole amazonien rapporte de nombreuses devises au pays. Toutefois, ses effets néfastes (pollution de rivières) ont amené le gouvernement à agir davantage en faveur de l'environnement.
Notre première destination du jour ? Panam ... ou plutôt la Panaméricaine soyons d'accords. Parce que vous pensiez à autre chose peut-être ? Il s'agit de la plus longue autoroute au monde reliant l'Alaska à la Patagonie. En Equateur, c'est une deux voies modestes, régulièrement en travaux d'élargissement pour la doubler.
Peu de temps après avoir rejoint cette route réputée, le bus descend à flanc de paroi dans une vallée couverte de serres où sont produites des roses. L'Equateur est en effet le troisième producteur mondial après la Colombie et le Kenya et exporte la quasi-totalité de sa production. Dans cette même vallée, J-C nous explique que les travaux de terrassement en cours sont ceux du nouvel aéroport de Quito qui ouvrira dans 2 ans, l'actuel étant étouffé par la ville. Ces descriptions amènent à se demander d'où peut venir tout cet argent pour développer les infrastructures de transport à tout va ? Point de mafia ou de narcotrafic à priori. Mais alors d'où ? Le Chef de l'Etat aurait apparemment réussi au moyen d'une loi à faire passer le poids de l'Etat de moins de 5% à 51% dans le capital des industries exploitant les biens nationaux. La manne qui en résulte permet de financer l'ambitieux programme de la "Revolucion Ciudadana" en améliorant routes, éducation, santé ...
Sur le bas-côté, acacias et broméliacées occupent l'espace avec, de temps à autre, des barbes de vieux suspendues aux branches. La roche blanche au sol est constituée de cendres volcaniques pour une fois non fertiles car trop denses.
Le paysage ressemble à des montagnes russes qui illustrent le concept de nudos (ou noeuds) de la géographie locale. J'ai déjà abordé les deux cordillères parallèles avec au milieu l'Allée des Volcans ou couloir interandin où se situent les villes comme Quito, Cuenca ou Riobamba. Cependant, des cordillères transversales, un peu plus modestes, viennent compléter le maillage de l'espace andin. Lorsque ces dernières se font un peu plus élevées que les précédentes, on change généralement de zone administrative. L'Equateur possède 24 provinces subdivisées en régions, les nudos en sont les bornes dans les Andes. Aujourd'hui, nous quittons la province de Quito pour celle d'Imbabura.
En milieu de matinée, nous nous arrêtons pour nous ravitailler au bord de la route car le petit-déjeuner fut léger. Mais la biscuiterie où l'on nous propose de prendre un chocolat ou un café me fait brutalement suffoquer à cause d'une odeur désagréable. Vient-elle des locaux ? Je suis en tout cas contraint de m'oxygéner à l'extérieur et en profite pour détailler les premiers éléments constitutifs du cadre du jour. Comme je l'ai dit la région est vallonnée. Deux volcans se trouvent dans mon champ de vision : le Cayambe, 3ème sommet du pays du haut de ses 5790m, est un volcan éteint à la cime enneigée et l'Imbabura qui possède un sommet plus aplati.
Pour les indigènes andins, les montagnes ont été personnifiées et ne peuvent se soustraire au rite d'opposition binaire qui caractérise leurs sociétés. Elles ont ainsi hérité d'un "sexe" dans la mesure où une montagne peut être mâle ou femelle. Les deux principales montagnes de la province d'Imbabura suivent cette règle. Le mâle est l'Imbabura. Il est parfois appelé Manuel. Quant à la femelle, ce n'est pas le Cayambe qui est dans la province voisine mais le Cotacachi aussi appelé Maria de las Nieves (=Marie des Neiges), le plus haut sommet de la province avec 5050m. De son union avec l'Imbabura seraient nées les montagnes environnantes et les traces d'accouplement sont visibles lorsque le Cotacachi est couvert de neige.
Après cet entracte qui m'a permis de prendre un bol d'air bienvenu, nous avalons à nouveau les kilomètres. Le sommet d'une butte nous dévoile le lac San Pablo sur la droite, signe annonciateur d'une arrivée prochaine. Rapidement, la route s'élève sur 18 kilomètres jusqu'à l'entrée de la réserve de Cotacachi-Cayapas. Les droits d'entrée acquittés, nous ne tardons pas à débarquer pour cette première marche d'acclimatation en altitude à 3500m au maximum. Le temps de marche vendu par JC est de 3h. Erreur de jugement lorsqu'on ne connaît pas un groupe : nous mettrons 4h30 mais le cadre en vaut la chandelle. Au moment de s'élancer, le suspense reste entier car nous ne voyons pas encore la lagune de Cuicocha, notre but de ce matin.
10 minutes plus tard, elle accepte enfin de s'offrir à notre regard. L'étendue d'eau occupe une ancienne caldeira et, en son centre, se dressent deux îlots séparés par un étroit canal. Ces monticules ont donné un nom au lac qui, en langage quichua, s'appelle "cochon d'Inde". Sa profondeur maximale est de 160 mètres et le diamètre du cratère atteint 3km.
La promenade est surtout l'occasion de faire la connaissance d'une flore extrêmement riche. Moi qui ne connaît presque que la marguerite et la tulipe en exagérant à peine, j'engrange à plein régime les informations délivrées par JC. Voici un extrait de mon herbier :
- Herbe contre les tiques :
- Madagascars :
- Fougères aux sores apparents :
- Fucuneras dont le "tronc" est creux :
- Fleurs à cloche dont la particularité est qu'elles ne contiennent pas de pollen sinon de l'huile :
- Orchidées dont la fleur sort de la feuille et non de la tige :
- Parapluies des pauvres, plantes à la tige épineuse :
J'arrête ici mon album oubliant au passage d'autres plantes telles les doigts de sorcière, passiflores ou broméliacées. En termes de faune, la diversité est plus limitée : cerfs, lapins, renards et loups du paramo. Des truites ont également été introduites dans le lac mais ne se sont pas reproduites, les eaux sont donc peu fréquentées.
Pendant une partie de la balade, nous restons sous la vigilance du Cotacachi qui accepte de se dégager quelques temps.
Puis, sur la fin, nous cheminons sur les crêtes et apercevons son "compagnon" l'Imbabura dominant la plaine.
L'estomac dans les talons, nous terminons la circumambulation du lac. Nous ne sommes plus que 8. Une personne perdue dès le second jour ce n'est pas mal mais ça reste dans la limite autorisée surtout quand on a faim. Elle finira cependant par arriver pour la dernière surprise : il reste une belle rampe à escalader pour atteindre le restaurant qui est positionné sur un sommet. Ah l'humour équatorien, j'adore ! Par contre, je ne crois pas que tout le monde ait partagé cette opinion. Mais il faut avouer que la truite au sommet avait un sacré bon goût ... Servie en bas, ça n'aurait pas été pareil.
Cette marche ayant pris plus de temps que ce que JC avait estimé (comme la suivante et celle d'après et celle d'encore après ...), nous parvenons trop tard à Peguche pour visiter un atelier de fabrication d'instruments de musique andins. Cette activité est ainsi remise à demain.
Après les célèbres Pitufos, je reprends un instant ma casquette d'ethnologue pour vous décrire la population locale en deux mots. Adultes et enfants croisés en cette fin d'après-midi se déplacent couverts de boue. Protection contre un soleil dardant ? Remède efficace contre certains maux ou insectes ? Curistes d'une station thermale ? Non. Simplement une sortie de rallye automobile.
La soirée est attendue avec plus ou moins d'impatience ou d'appréhension selon les cas et son dénouement approche : nous allons être déposés par groupe de trois dans des familles indigènes d'une communauté rurale, seuls, pour une immersion totale dans la culture andine. Pour moi, aucun souci car je parle et comprends l'espagnol. Je souhaite donc profiter de cette opportunité pour échanger. Pour d'autres, ce sera système D avec l'usage des mains. Filmer aurait probablement immortalisé des instants cocasses. JC nous fait "rêver" au sujet de la possibilité de traire les animaux, ce qui ne sera malheureusement pas le cas. Pour aider et détendre l'atmosphère, je propose quelques phrases passe-partout pour prendre part aux activités quotidiennes. Par exemple : "Me gustaria ayudar el albañil !" (désolé pour l'accent manquant). Je ne comprends pas pourquoi mes conseils ne furent pas suivis. Aider un maçon ce n'est pas aussi sympa que traire les ovins ? Tant pis pour eux et advienne que pourra !
Nous abandonnons au bord de la piste 3 d'entre nous. A demain ! Trois minutes plus tard, nous sommes tous déposés au même endroit. Nous serons voisins. Le bus repart. Ca y est : nous sommes seuls ! A trois, nous nous retrouvons chez une petite dame en tenue traditionnelle appelée Maria Carmen. Elle nous accueille pour les deux prochaines nuits chez elle selon le principe du tourisme communautaire en vigueur ici.
Sitôt installés, nous proposons notre aide plutôt que de rester plantés à ne rien faire. Pour toute réponse, nous obtenons un "plus tard" assez vague et une invitation à aller se promener dans les environs. Personnellement, cela me déçoit un peu car j'aurais vraiment voulu partager tout le quotidien. Mais j'apprendrai le lendemain soir qu'elle nous croyait fatigués. Nous suivons donc un sentier qui descend, assistant au retour des animaux et longeant des bosquets d'eucalyptus.
Au plus bas, nous avons une belle vue (en dehors du premier plan...) du couchant sur l'Imbabura.
La nuit est tombée quand nous allons voir comment s'en sortent nos voisins. Nous les retrouvons assis sur le perron, autour d'une grosse bassine, à écosser des petits pois. Les railleries fusent.
Puis, nous rentrons diner. Dans un premier temps, nous faisons la connaissance de Maria Isabella, la jeune fille d'une douzaine d'années de Maria Carmen. Un peu plus tard, nous serons rejoints à table par Julian, le père de la famille, maçon de son état. Sourire en coin face à une plaisanterie prémonitoire. Mon espagnol aurait vraiment pu servir.
La conversation de ce soir tourne autour de la famille puis de la communauté. Maria Carmen et Julian ont 4 enfants : 1 fille et 3 fils. Ceux-ci travaillent dans l'artisanat à Quito même si leurs études les destinaient à d'autres spécialités : plantes et oiseaux pour l'un, commerce pour le second, maths et physique pour le dernier. Ils auraient préféré la campagne pour la nature, l'air pur et les animaux mais la situation économique de leur région d'origine ne leur a guère laissé le choix. Il n'y a que deux gros employeurs par ici : une cimenterie et l'artisanat d'Otavalo pour lequel la concurrence est rude. Alors ils rentrent parfois à la maison pour voir la famille, notamment lors des fêtes. Par contre, leurs parents ne peuvent s'absenter pour gagner la capitale car il faut s'occuper en permanence des animaux : moutons et brebis, poules, cuys, ânes, porcs et vaches. L'avenir professionnel de leurs fils est donc à Quito, puis, ils reviendront passer leur retraite dans la communauté, l'agrandissant par une nouvelle construction dans sa périphérie. A l'heure actuelle, elle compte 800 à 850 habitants, tous Morochos, travaillant dans l'agriculture et l'élevage, l'artisanat ou la maçonnerie. Si l'on prend le cas de Julian, il a construit sa maison en 4 ans avec les matériaux du coin dont la roche volcanique de l'Imbabura. Il a aussi édifié une salle de classe de l'école d'en face. Les enfants y étudient 7 ans puis partent dans le secondaire 6 à 7 années supplémentaires. En fonction des moyens dont disposent leur famille, ils vont ensuite à l'université (gratuite dans le public) ou passent un diplôme technique. Le principe de base de la communauté est l'absence d'impôt en contrepartie de travaux généraux. Dans le cas de notre famille, elle reçoit depuis 11 ans des touristes français, hollandais, espagnols ou anglais.
La conversation n'ira pas plus loin ce soir car leur journée démarre tôt demain. Après la vaisselle, nous sommes invités poliment à regagner la chambre. Nous ne le savons pas, mais nous ne reverrons plus Julian.
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Lundi 5 septembre
Depuis l'aube c'est le tintamarre : coqs, ânes, vaches et chiens se sont passés le mot pour un chant d'accueil. Aujourd'hui, c'est la rentrée scolaire en Equateur après deux mois et demi de vacances. Jusqu'à hier encore, la foule se pressait dans les rues acheter les dernières fournitures. Ce matin, Maria Isabella est partie au collège en bus sur le coup des 6h. Il se trouve à Cotacachi à 45 minutes de là. Elle entame sa seconde année sur six. Les cours vont s'étaler du lundi au vendredi, le matin uniquement. Pour le reste, nous aurons un récit ce soir.
Je continue de glaner des informations sur la vie locale. La première m'étonne : l'espérance de vie serait de 45 ans (dans cette province ?). Heureusement que Maria Carmen ne m'a pas demandé de lui donner un âge car son visage tanné par le soleil et le travail ardu m'aurait fait commettre un impair ... Sa journée se passe entre l'entretien de la maison, la conduite des bêtes aux pâturages et le travail aux champs. Elle cultive par exemple du quinoa qui peut être avantageusement cuisiné avec du lait et de la farine de maïs pour concocter une soupe comme celle de hier soir. Elle s'occupe de la plantation en septembre pour une récolte vers mars. Pour le reste, nous aurons la "visite" demain matin.
Enfin, elle prend la parole pour bénéficier de l'ouverture de mon agence matrimoniale qui aura ses deux premières clientes aujourd'hui même. C'est la première fois qu'elle pose des questions aussi nombreuses (jusqu'à présent, c'était moi) et elle s'intéresse pas mal à notre Number One, mon meilleur "produit" de placement : son âge, sa situation matrimoniale, où il vit, sa famille, son job ... Désolé pour celles, si nombreuses, qui ont flashé ensuite, Number One était casé dès ce troisième jour ! Par contre, je n'ai jamais su si c'était pour la mère ou pour la fille ? Je continue de jouer le jeu en posant une question sur les préparatifs. La liste des invités est déjà prête puisque nous sommes là mais qu'en est-il du repas traditionnel de mariage dans cette région ? Apparemment, il associe viande de cuys, maïs, salade et farine de maïs.
La plaisanterie cesse rapidement car l'heure du départ approche. En tout cas, la glace est nettement rompue à présent et la discussion plus facile. Maria Carmen est moins sur la réserve que hier soir.
Lors des retrouvailles, nous ne voulons manquer à aucun prix le récit croustillant des aventures d'écossage et d'équeutage de nos voisins ! Alors la soirée ?
Pendant ce temps, nous prenons la route du sommet du jour : le Fuya-Fuya dont le nom signifierait en quichua "aimez-moi". Sur ce point, on en saura davantage dans quelques heures. Le paysage change au fil de notre progression : d'abord la végétation sèche du sacha alta (j'écris en phonétique les noms quichuas qui me sont inconnus tout au long de ce blog) étagée entre 2800m et 3500m, ensuite, l'aya alta ou terre des esprits. Une légende raconte en effet que les esprits ensorcelaient les jeunes filles qui s'y aventuraient seules en les faisant tomber sous leurs charmes. Concernant le premier biotope, il se caractérise par des eucalyptus très nombreux. Ceux-ci ont été introduits en provenance d'Australie par le Président Moreno afin d'exploiter leur bois. Mais les conséquences sur le milieu ont été importantes car il s'agit d'une plante consommant beaucoup d'eau et asséchant de fait la terre. Avec le pin, ils ont progressivement supplanté d'autres essences natives. La terre est ici noire et très fertile. Au-delà de 3500m, le second écosystème est celui du páramo, la terre des graminées. Il comprend à la fois un tapis de plantes rases, des graminées et des broméliacées mais surtout des herbes hautes.
Les fleurs de cette dernière photo sembleraient hallucinogènes et conduisent le sujet à délirer sur des pâtisseries orientales. Des scientifiques cherchent encore une explication mais il se pourrait que ce soit tout simplement les premiers effets de l'altitude. Dans ce cas-là qu'est ce qui nous attend au sommet du Chimborazo !
Jorge finit par arrêter le bus au bord des lacs de Mojanda et plus précisément du lac Caricocha. Des eaux surgissent les vestiges d'une habitation. Face à nous, la pente abrupte du Fuya-Fuya que nous devons gravir jusqu'au sommet à 4263m. Le dénivelé positif est d'un peu plus de 550 mètres pour 1,92km de marche soit une pente moyenne de 30% ! Autant dire que cette première "vraie" ascension risque de prendre du temps en dépit d'un début d'acclimatation.
Rapidement, le groupe se scinde : Number One part seul en éclaireur, je suis JC avec quelques autres pour bénéficier des explications sur les plantes et la queue de peloton est plus étalée, montant à son rythme. Après un quart du parcours, je décide de changer mon fusil d'épaule. Partir devant ne m'attire pas plus que ça à part pour me dépenser deux fois durant le séjour. JC n'avance cependant pas à mon rythme et pour bénéficier de ses explications, il convient d'être tout près de lui car le son se perd au-delà pendant l'ascension. De temps à autre, nous attendons l'arrière-garde sauf que JC repart dès qu'ils nous rejoignent et posent leurs sacs. Etant donné que s'ils sont derrière, ce n'est pas qu'ils se promènent, je ne comprends pas trop le principe de repartir instantanément ? Enfin, plus on monte et plus on se refroidit en attendant, mordus par des bourrasques toujours plus fréquentes. Vous ne pouvez pas imaginer ce que ça signifie mais j'ai dû pour cette raison me couvrir et ainsi mettre fin à une légende sur mon origine ... Terrible ! En même temps, c'était à peu près sûr qu'au-delà de 4000m en short ça allait devenir compliqué. Pour toutes ces raisons, je décide de mener l'enquête sur la disparition de Polochon en accompagnant la Petite Sirène. Nous initions ensemble une nouvelle technique d'andinisme : la marche du caméléon, changements de couleurs inclus avec le rouge ou l'écarlate par manque d'oxygène, bleu quand il fait froid ou vert quand j'apprends qu'on ne peut pas aller au bout faute de temps (pas aujourd'hui).
Depuis le départ, nous avons également intégré dans l'expédition un nouveau membre qui grimpe en courant pour nous narguer : une chienne beige qui ira jusqu'au sommet. Peut-être deux fois tellement elle fait de chemin.
Pendant un moment, le sommet joue à cache-cache dans un voile nuageux. En contrebas, quelques lacs asséchés ou non apparaissent à mesure que nous gagnons de la hauteur au-dessus d'un cadre apaisant. Au-dessus de nos têtes tournoient quelques caracaras, rapaces à la tête couleur de flamme à l'instar des flèches de feu qui ponctuent les flancs de la montagne avec les espeletias.
La partie finale est la plus abrupte et grimpe en deux temps : un couloir naturel puis la ligne de crête. Le sommet nous offre une vue partiellement bouchée sur le lac d'où nous sommes partis ou sur une large portion de la vallée.
Après quelques instants à profiter du point culminant puis de la dissipation des nuages, nous descendons par un nouveau versant si escarpé qu'il est nécessaire de poser les mains pour franchir un petit mur. Mais tout le monde passe et le groupe recommence à bien s'étirer.
Une des dernières visions exhaustives des membres du groupe est une belle cascade de notre Diplômée d'hier qui inaugure ainsi un festival de la chute. Un point positif : c'est sûr que tu as du talent dans ce domaine ! Le groupe disparaît peu à peu derrière les accidents du terrain. Fermant la marche, nous obtenons parfois des informations via des personnes qui effectuent l'ascension. Etrange d'être laissés seuls ... non par rapport à l'orientation mais davantage par rapport à une éventuelle blessure (comme une entorse).
Cette première ascension terminée, nous redescendons dans la vallée. Nous marquons d'abord une pause bien méritée dans un restaurant dont le jardin abrite de magnifiques orchidées.
Dans le même temps, certains font la connaissance un peu trop précipitée du piment équatorien. Ca doit être bon car la Présidente en a pleuré de bonheur.
Rassasiés, nous partons parachever une visite que nous n'avons pas pu mener à bien hier : celle de l'atelier de fabrication d'instruments andins à Peguche. Un homme vient devant nous tailler une flûte de pan dans le bambou. Il découpe et ajuste les tubes un à un, les biseautant un peu plus s'il estime la sonorité qui en sort non conforme à ses attentes.
L'exercice effectué, il se met à nous présenter les nombreux instruments andins de son atelier : gaita d'Otavalo, charango de Bolivie, quena du Pérou, chachas (percussions), bâton de pluie, rondador d'Equateur et un instrument précolombien : l'ocarina. Pour chacun d'eux, il joue quelques notes pour nous faire entendre la sonorité.
Puis, il se retire dans sa loge chercher sa fille et une tierce personne. Et ce trio nous offre un petit extrait de leur répertoire.
Nous poursuivons ensuite notre route vers le point le plus septentrional de notre voyage : San Antonio de Ibarra. Cette ville présente plusieurs spécificités : c'est une des villes principales les plus basses de la province et elle abrite une importante minorité noire. Colons espagnols et jésuites firent venir des Africains pour pouvoir exploiter les terribles mines du Choco en Colombie. Mais les conditions de travail inhumaines les incitèrent à s'enfuir pour se réfugier dans des quilombos, poches de résistance organisées socialement et militairement par des esclaves en fuite. Aujourd'hui, les afro-américains représentent 5% de la population du pays et sont surtout installés dans le nord. Pour le reste, les indigenas (autochtones restés équatoriens 100% pur jus) représentent encore 25% de la population, les metizos (mélange d'indiens et d'européens) 65% et les européens 5%.
San Antonio de Ibarra est aujourd'hui passée maître dans la sculpture sur bois, principalement d'oranger ou de cèdre.
Mais nous avons surtout l'occasion d'assister aux assauts répétés d'Atchoum, la seconde cliente de mon agence matrimoniale, petite mamie sympathique mais à l'esprit probablement égaré. Elle semble vraiment attiré par l'exotisme belge et je pense que l'un de nous avait une "touche" au sens propre, comme au figuré.
Nous laissons Atchoum dans sa ville pour regagner "nos" familles car il doit bien rester quelques légumes à éplucher ...
Comme la veille, notre groupe de 3 est dispensé de cuisine. Toujours pour la même raison (la fatigue) ou parce que Maria Carmen pense que l'on ne sait pas la faire en tant qu'hommes ? A table, la discussion aborde plusieurs thèmes à commencer par la rentrée scolaire. Maria Isabella nous raconte qu'elle ne travaille à l'école que le matin. La matinée comprend 5 cours différents de 45 minutes chacun. En sport, leurs principales disciplines sont le foot et le basket. L'après-midi, elle rentre à la maison faire ses devoirs puis aider sa mère aux tâches quotidiennes. Son école (comme toutes les autres) lui impose un uniforme, dans son cas de couleur verte. Il doit être acheté auprès de l'institution au même titre qu'une tenue de sport de la même couleur. Celle-ci indique l'établissement dont provient l'élève.
Nous parlons ensuite de la communauté. Elle est dirigée par une Présidente élue et issue de différentes familles. Son mandat dure une seule année. Aujourd'hui, le village des Morochos compte deux églises : une catholique et une évangélique.
Le repas continue ainsi et se termine par la vaisselle à laquelle nous pouvons par contre prendre part. J'en profite pour préciser à Maria Carmen que nous serions intéressés de l'aider. Nous convenons ainsi de lui prêter main forte le lendemain matin au champ.
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