• Le sentier de la perdition

    Mardi 13 septembre 2011

    Serait-on parvenu à épuiser Notre Belge ? La question restera en suspend mais mérite d'être posée. Si vous pensez que oui, taper "1". Pour le non, taper "2". Les résultats seront publiés un jour avant la prochaine fin du monde annoncée par Nostradamus.

    En attendant, nous allons entamer ensemble la visite de Cuenca. La ville a été fondée le 12 avril 1557. Mais avant cette date, la présence des Cañaris puis des Incas est attestée par les ruines de Todos Santos et de Tomebamba. Les premiers se seraient établis dans cet endroit bien avant notre ère tandis que les seconds seraient venus de Cuzco. Le nom de la ville est par contre dû à Mendoza né dans la cité homonyme en Espagne.

    Ruines d'un moulin (Todos Santos)

    Nous passons dans un premier temps devant les ruines de Tomebamba, lieu de naissance du Grand Inca Huayna Capac. Il en reste aujourd'hui quelques pans de murs, vestiges supposés d'un grand palais magnifique.

    La ville semble étagée sur 3 niveaux : la partie haute, l'étage médian où se trouvent le centre historique et la zone basse des quartiers modernes. Les bâtiments sont globalement peu élevés, y compris les immeubles, car une loi interdit à toute construction de dépasser la hauteur des coupoles de la cathédrale.

    Nous grimpons sur la colline de Turi, belvédère naturel sur la cité, et faisons halte chez un céramiste pour commencer. Mes cachets de la veille faisant encore effet, je ne suis pas importuné, surtout que l'on n'y reste pas longtemps. Au sommet du promontoire, une église blanche fait face à la ville. Nous distinguons notamment la cathédrale et ses coupoles bleues ainsi que le palais des sports et des spectacles : le Coliseo.

    Eglise au sommet de la colline de Turi Cathédrale de Cuenca depuis le mirador du Turi Coliseo depuis le sommet du Mirador de Turi

    Nous retournons ensuite en ville et plus précisément à la place San Sebastian. C'est à cet endroit que, sur l'exemple de Guayaquil, fut lancé l'appel à l'Indépendance en décembre 1820. Elle correspond à une ancienne arène où se tenaient les corridas dans un passé lointain. Aujourd'hui, elle est agrémentée d'un modeste jardin avec bassin et est bordée de maisons typiques à l'influence mi-indienne (murs en adobe), mi-espagnole (cour andalouse). Au sud, le musée d'art moderne a connu plusieurs vocations : centre de désintoxication des prêtres, d'hébergement pour enfants pauvres et cantines populaires. Il propose lors de notre passage une exposition sur la chute du Mur de Berlin.

    Place San Sebastian Maison traditionnelle

    Au nord de la place s'élève une église blanche à laquelle les espagnols attribuaient un rôle étonnant : les quatre coins de la ville coloniale étaient bornés par des lieux de culte délimitant ainsi une aire correspondant au quartier espagnol. A l'extérieur de celle-ci se trouvaient les quartiers indiens. Les deux populations ne devaient pas se mélanger pour ne pas créer de métissage de la population. Chaque communauté avait donc ses propres églises et celle de San Sebastian, en l'occurrence, était exclusivement consacrée aux indiens. Sur la même artère Bolivar, on aperçoit, dans le lointain, une seconde "borne" : l'église de San Blaz à 2 kilomètres de là.

    Eglise San Sebastian

    Nous traversons ensuite le Barranco, un quartier intégralement suspendu au-dessus d'une falaise et de la rivière Tomebamba. Une partie des habitations sont en cours de restauration telle la maison de la lyre, nommée ainsi en raison de l'instrument en brique qui orne son fronton. Nous rejoignons alors le Marché du 10 août où se vendent toutes les denrées alimentaires en provenance du pays (hormis des kiwis du Chili et le raisin du Pérou) et les spécialités locales comme le porc cuit avec sa peau. Mais, nous restons surtout songeurs devant les pyramides alléchantes de fruits et de légumes polychromes, véritables cornes d'abondance se déversant devant nos yeux.

    Vitrail au-dessus d'une porte d'entrée du marché Pyramides de fruits et légumes Pyramides de fruits et de légumes

    Je fais même la connaissance des corossoles et babacos.

    Corossoles Babacos

    Ce n'est qu'avec le plus grand mal que nous parvenons à nous extraire de ces étals paradisiaques pour déboucher non loin de la place St François où officient une nuée de cireurs de chaussures. Je n'hésite pas à présenter à ceux qui me sollicitent mes magnifiques sandales de trek, suscitant ainsi leur désintérêt soudain. Les artisans d'Otavalo se réunissent en ce lieu  pour venir écouler leur production.

    Eglise St François

    Le reste de la matinée sera en grande partie spirituel et commence par le Carmen de la Asuncion, juste derrière le marché aux fleurs. Cet ensemble comprend plusieurs édifices : une église blanche à la porte aux colonnes torsadées, un sanctuaire où les gens viennent se recueillir devant une plaque qui ne dévoile son contenu mystique que sous certains angles et un "sas" donnant sur un cloître invisible. La société civile se rend dans ce dernier espace pour apporter des vivres et dons aux religieuses isolées ou pour acheter leur production : vin de messe, sirop de radis, gélatine de pigeon ... Dans le cloître, viennent prier à l'abri des regards et à l'écart du monde des carmélites sous la tutelle d'une mère supérieure. Elle seule peut s'aventurer dans le monde extérieur si besoin il y a de s'approvisionner. Il y a actuellement 18 religieuses à l'intérieur dont 12 novices. L'entrée sous les ordres ne peut se faire qu'à partir de 18 ans et le noviciat peut s'étaler sur une longue durée avant de prononcer les voeux.

    Carmen de la Asuncion 

    Juste en face, se dresse la nouvelle cathédrale et ses trois coupoles en céramique de Bohème dont la couleur est censée évoquer le voile de la Vierge. Elle fut élevée à partir de 1885 et sa construction s'étala sur 80 années. Avec ses 51 mètres de haut, c'est une des églises les plus grandes d'Amérique Latine. Et l'intérieur a étonné jusqu'à Jean Paul II lui-même lors de sa visite papale de 1985. Le marbre travertin des colonnes, le marbre de Carrare au sol ou le baldaquin décoré de 51kg d'or sur bois de cèdre lui auraient rappelé St Pierre de Rome... Quant aux vitraux, ils sont également remarquables et dus à deux artistes : la majorité à un artiste basque de l'ordre salésien né au Mexique, les rosaces à un belge de Liège. Chacun d'eux relate une histoire ou un fait historique !

    Cathédrale Cathédrale - intérieur Rosace Vitrail

    Nous sortons sur la place principale plantée d'araucarias. La façade de la nouvelle cathédrale est austère. De l'autre côté de cette place, se dresse encore l'ancienne cathédrale, paroisse autrefois dédiée aux espagnols et proscrite aux indiens. L'expédition du savant français La Condamine se servit d'une de ses tours comme point de triangulation à des mesures géodésiques. Elles permirent de déterminer la longueur d'un arc de méridien. Aujourd'hui, sa fonction n'est plus spirituelle puisqu'il fait office de musée d'art religieux.

    Ancienne cathédrale

    Sur cette même place se trouve également le pouvoir politique de par la présence de l'hôtel de ville notamment.

      

    Nous partons ensuite manger dans un restaurant de haut standing suspendu à la paroi du Barranco. C'est à se demander ce que l'on fait là tellement on jure dans cet environnement. Et en plus, ça demande pas mal d'efforts : lequel des cinquante verres utiliser ? Est-ce que je me tiens bien droit ? Est-ce que je dois soulever le petit doigt en tamponnant délicatement ma bouche avec la serviette ? En fait, il n'y en a qu'un qui ne se pose pas autant de questions : 007, fidèle à sa réputation. Pour faire un peu plus tâches dans ce décor feutré (nous sommes les seuls clients dans le restaurant), nous commettons des impairs irréparables à en tournebouler Eduardo, le serveur : notre chauffeur lui tend l'assiette ou certains partagent leurs plats. Je trouve légitime vos commentaires désabusés ou méprisants si vous êtes stupéfaits par nos maladresses et notre décadence. Promis, ce soir nous irons dans un restaurant populaire.

    Après avoir foulés allégrement mais involontairement tant de règles de bonne conduite, nous sommes laissés libres de vaquer à nos occupations l'après-midi durant. Nous en profitons pour rechercher immédiatement un restaurant ... pour le soir. Oui on ne pense qu'à manger et alors ? Ce faisant, nous passons devant les façades finement ouvragées de la Croix Rouge et de ses voisins.

    Façade ouvragée Façade ouvragée

    Cette mission ô combien difficile accomplie, nous nous éparpillons dans la ville vaquant chacun à diverses occupations. J'en profite pour répondre à certaines de mes attentes en termes d'activités tant au début d'après-midi qu'en début de soirée. Entre les deux, je me rends simplement avec la Petite Sirène et le Belge du côté du Barranco puis du moulin inca.

    Barranco

    Enfin, la nuit tombe sur la cité équatorienne. Avec elle, nos pures intentions et notre sagesse s'en vont pour s'abandonner totalement à la tentation et à la passion. Comment en effet résister aux démons qui nous provoquent chaque fois que nous passons devant le glacier sur la place principale ? Vous vous demandez peut-être d'où peut venir un appel si futile, ce besoin engendré par notre cerveau ? Puis vous commencez à envisager la piste de notre ancien karma d'ours polaire, d'une enfance difficile dans la Creuse à des kilomètres du premier marchand de glaces ou, pire, du traumatisme des repas chez belle-maman qui finissent invariablement par des pruneaux et des abricots secs ! Rassurez-vous, il ne s'agit de rien de tout ça mais de simple gourmandise et d'un besoin d'atteindre le paradis l'espace de quelques instants. Mon cheval Satanas pour une glace Oreo !!!


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