• Petites balades entre amis

    Dimanche 18 septembre 2011

    Etonnant j'ai bien dormi. Pourtant, pendant toute la nuit, les insectes ont fait un ramdam d'enfer sans interruption (60 décibels environ soit comme un téléviseur ou une conversation courante). Pas un petit concert, ça non ! Plutôt un gros barouf comme si vous mettiez toutes les sauterelles de Provence autour de votre maison.

    Sauterelle

    Juan nous a annoncé hier soir que le meilleur moment pour observer la vie des oiseaux c'était tôt le matin. Depuis la vigie, là où se trouve la salle à manger, nous disposerions d'un point d'observation idéal et pourrions observer même les co-li-bris. Je prends donc mon quart en compagnie du photographe officiel, peut-être envoyé par National Geographic pour la qualité de ses clichés ? Plusieurs oiseaux passent effectivement : oropendolas et tyrans, tous deux au plumage jaune et noir.

    Tyran

    Le colibri finit également par se présenter mais à une telle vitesse que je n'ai même pas le temps d'allumer mon appareil ! Pendant 1h30 au total, nous scrutons la moindre plante, le plus petit mouvement.

    Nous enfilons ensuite nos bottes et partons pour une promenade de 4h dans la forêt. Le terrain est extrêmement vallonné : on se croirait sur des montagnes russes. Et la chaleur est très lourde. Nous traversons pour commencer la forêt secondaire qui a été transformée/aménagée par l'homme. Vient ensuite la forêt primaire ou forêt vierge bien plus dense car on ne voit plus le ciel. Sur chaque hectare, 300 essences d'arbres différentes cohabitent et s'étagent sur plusieurs niveaux. Les formes sont des plus variées car la terre est peu fertile. Chaque essence a mis en place des stratégies d'adaptation. A titre d'exemple, certaines racines suivent la luminosité du soleil, d'autres forment un réseau à l'horizontal, d'autres encore ont des racines aériennes comme des voutes. Les lianes s'enroulent autour des troncs dans une course à la lumière puis déploient leurs feuilles parasols. Enfin, certains arbres laissent tomber leurs feuilles volontairement pour s'autoalimenter.

    Forêt primaire Lianes Racines aériennes

    La vie animale est par contre quasi inexistante. A cela deux raisons : une grande partie habite la canopée et les êtres vivants sont très craintifs. A peine entendent-ils un bruit qu'ils détalent à des kilomètres. Ne restent alors plus que les bestioles les plus sympathiques pour une petite balade entre amis ainsi que 914 espèces de papillons. Pour prendre un seul exemple : la fourmi conga dont la taille atteint une petite phalange (2cm de haine). Lorsqu'elle mord, vous êtes cloué au lit pendant 24h avec une forte fièvre. Enfin pas vous, celui qui est mordu bien sûr ...

    Revenons à notre balade. Les bottes sont nécessaires car l'on progresse dans la boue. Signe qui ne trompe pas : même Juan les a enfilées ! Nous avançons  à la queue leu leu entendant des oiseaux sans les localiser puis des pas feutrées sur des feuilles sèches. Juan pense à un iguane. Cependant, nous ne voyons rien car imaginez l'effet que peut produire un troupeau de "pachydermes" en marche, même silencieusement : chacune de nos foulées se solde par un craquement ou crissement quelconque qui donne l'alerte. A cela s'ajoute le fait qu'en file indienne, les derniers ne voient  rien quand il faut s'immobiliser sur place. Les premiers non plus d'ailleurs car seul Juan part à la recherche de la bestiole.

    Plusieurs grondements éclatent. Et Juan d'annoncer que "la pluie va arriver dans 45 minutes" le temps de percer toutes les couches de végétation. Trois quarts d'heure plus tard, elle commence effectivement à tomber drue et je choisis de protéger mon appareil photo plutôt que moi. Je préfère en effet être trempe à cause de la nature plutôt qu'en étouffant sous un poncho. La balade est raccourcie de moitié.

    Une autre surprise désagréable vient ajouter à la pénibilité : des fourmis de je ne sais quelle famille -et ça nous est bien égal- sont rentrées sous nos vêtements et "mordent". Je peux garantir que c'est rigolo à lire ou à dire mais que sur le coup, c'est douloureux ! Heureusement que ce ne sont pas des congas ...

    Nous marchons ensuite dans le lit de la rivière car la progression y est plus aisée. Tout à coup, Juan finit par dénicher un trou de mygale et la titille avec une brindille pour la faire sortir. Jorge vient lui prêter main forte et parvient à ses fins. Pas de doute, j'en ai bien horreur ! Son pire ennemi (à part mes chaussures) est la guêpe reine. Celle-ci lui pique la tête avant de la manger, puis pond dans son abdomen. Les petits dévoreront ce dernier pour sortir au grand jour.

    Mygale 

    [Photo prise par le Président à qui je garantis la victoire aux cartes à perpétuité en contrepartie de l'affichage de cette photo]

    Pour information, ce n'est pas la mygale qui est petite mais les feuilles qui sont énormes ... Sa taille est celle de la paume de la main.

    Durant deux heures et demie de progression, nous aurons également vu un certain nombre de plantes. Le python en premier lieu qui ressemble à un avocat à la chair marron et à la peau jaune. Il est comestible. Puis des plantes homéopathiques : sang de dragon pour guérir les brûlures et aider à la cicatrisation; ayahuasca ou liane des esprits, utilisée par les chamans pour avoir les visions et en psychothérapie comme catharsis. JC sert également de "cobaye" pour soigner sa rhino : Juan lui a inséré dans le nez de la poudre d'une plante médicinale heureusement diluée dans de l'eau. Aussitôt, notre infortuné guide se transforme en cocotte-minute vivante avec des yeux injectés de sang. Impressionnant ! Même les piments ne font pas cet effet. Juan nous parle enfin d'une grenouille sécrétant un antalgique dix fois plus puissant que la morphine et de l'extraction du curare à partir d'une liane.

    Malgré ces richesses, l'Equateur est aujourd'hui dans une impasse car les plantes précédemment citées ont été brevetées par des laboratoires américains et allemands. Leur exploitation est donc interdite à leurs homologues andins sauf en ce qui concerne l'homéopathie. Comment voler les connaissances millénaires des indiens à des fins écoeurantes (et dire que notre pays agit de même ailleurs dans le monde). Pendant plusieurs années, les puissances étrangères bénéficient du monopole sur la commercialisation tandis que pas un centime ne revient aux équatoriens ou aux indiens. En terme pharmaceutique, le marché des génériques est très développé dans le pays au dépend des marques.

    De retour au lodge, nous avalons le repas et nous lançons dans une épreuve de longue haleine voire quasi-désespérée : rejouer Microcosmos et faire ouvrir les ailes à ce satané et têtu morpho. Pour ce faire, nous nous y mettons à 5 pendant plusieurs dizaines de minutes mais ni les mots doux, ni notre courroux, ni les menaces, ni les sourires ne sauront le convaincre pendant tout ce temps où d'autres papillons et fourmis parasols passent sous notre nez.

    Papillon Morpho Fourmis parasol Morpho

    Le programme est ensuite bousculé pour nous "jeter" dans le fleuve plus tôt que prévu. Nos encadrants ont tâté le terrain pendant la pause déjeuner pour savoir qui souhaitait participer. A mon grand dam, les rangs de volontaires étaient clairsemés au départ notamment à cause de la météo. Certains ont alors demandé : "Y a-t-il des poissons dans l'eau ?" ce à quoi JC a répondu : "Des poissons non ... juste des serpents qui nagent !"  La plaisanterie s'est poursuivie quelques secondes supplémentaires : "-Donc pas de piranha ? - Non ou plutôt ... oui quelques-uns, mais on ne les voit pas arriver dans l'eau limoneuse". Cet argumentaire percutant, combiné au retour de l'astre solaire (c'est notre sacrifice quand même !), a fini par convaincre 7 d'entre nous de se jeter à l'eau. Pour nous laisser une chance de survivre, les autochtones nous accordent une bouée chacun.

    Il n'y a rien à faire ou presque en théorie : juste se laisser porter par le courant. Pour rejoindre une autre personne, jouer aux bouées tamponneuses ou faire la course, on peut toutefois battre des jambes et des bras. Nous constituons à la longue une formation : en cercle comme des parachutistes ou en ligne. L'activité se révèle au final divertissante pendant les 25 minutes de descente du rio Napo. Deux échecs à déplorer toutefois : 1) nous sommes parvenus grâce à la solidarité et à l'entraide à nous en sortir, les leçons sur les valeurs des indigènes dispensées par JC auront porté leurs fruits et nous allons pouvoir l'ennuyer encore quelques jours; 2) je n'aurais pas réussi à culbuter la bouée, pieds par-dessus tête malgré tous mes efforts.

    Sur la bouée 

    [Photo prise par Notre Diplômée. Pour te remercier, je te laisse ma ration de chips de peau de mouton soufflées. Et tu sais combien je les aime à m'en rendre malade ! Au fait, félicitations, ça doit être ta seule photo ratée à cause du sujet]

    Les G.O. dépités nous laissent la vie sauve, les eaux furieuses n'ayant pas accepté leur don. Ils organisent alors une seconde traque du huatzin. Nous passons au milieu de maisons sur pilotis que nous reverrons le lendemain, de balsas, d'acacias et de plants de manioc et de maïs.

    Balsa Maison sur pilotis Acacias Maïs et manioc

    Nous avons également la chance d'apercevoir un chachalaca et plusieurs huatzins au vol lourd mais rapide.

    Chachalaca Huatzin

    Sur le chemin du retour, une patrouille aérienne de perroquets nous survole puis nous entrons dans des étangs pour assister à un beau coucher de soleil.

    Coucher de soleil Coucher de soleil

    Au repas du soir, Juan nous propose une balade de nuit pour s'imprégner de l'atmosphère. Mais je ne suis pas du tout attiré puisque nous n'avons rien vu de jour, qu'il y a beaucoup de boue et que l'on peut poser à chaque instant la main sur une sale bestiole sans la voir. Seulement deux courageux iront dans les bois et entendront davantage qu'ils ne verront.


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